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La nuit de l'Escalade
En décembre 1602, le duc de Savoie Charles Emmanuel
reprend à son compte la réalisation de «quelques
aventures formidables pour la foi» ; aventures que le
pape Sixte Quint avait suggérées lors de son
avènement, en mai 1585, à Philippe II d'Espagne,
beau-père du duc de Savoie. Le pape avait alors souhaité
voir Alger reconquise sur les Maures ; l'Angleterre envahie
et ramenée dans le giron de son église; enfin
Genève reprise. Philippe II tentera la descente en
Angleterre ; son «invincible» armada sera dispersée
par un divin zéphyr et défaite par la marine
anglaise. Charles Emmanuel ne rêve pas seulement de
reprendre l'ancienne capitale de ses états en deçà
des monts, il a également des vues sur le trône
de France. Position qui conduit le roi de France Henri IV
- bien que la paix ait été conclue par le traité
de Vervins - à occuper la Bresse et à faire
marcher (lentement) une armée en direction du pays
de Gex. Elle s'arrêtera à Châtillon-en-Michaille,
à quelques lieues de Genève. Cependant tout
le monde, et en particulier les Genevois, croit en la paix
conclue, et comme la saison hivernale est peu propice aux
opérations militaires, aucune mesure particulière
n'est prise pour assurer la sauvegarde de la Cité.
Et voilà qu'en pleine nuit, dans les premières
heures du 12 décembre 1602, retentit sur le front de
Plainpalais le bruit d'un coup de feu, suivi d'un second.
Les assaillants savoyards qui ont escaladé la muraille
sont découverts. La garde accourt au bruit, fait face
; le tocsin et, comme le relève la chronique, même
la grosse cloche de la cathédrale appellent les citoyens
aux armes. Tirés de leur sommeil, ces derniers courent
à leurs postes. Malgré de faux bruits, le lieu
de l'attaque est identifié et la défense s'organise
victorieusement. Au matin, en découvrant que toute
une armée s'était présentée sous
les murs, chacun mesura pleinement le grand péril auquel
il a échappé. Les quelques prisonniers savoyards,
confirmant que la ville devait être mise à sac
furent ainsi passés au fil de l'épée.
La Seigneurie de Genève s'empressa dès lors
de communiquer à travers toute l'Europe la nouvelle
de la «miraculeuse délivrance de la Cité».
Celle-ci suscita beaucoup d'émotion; des témoignages
de reconnaissance assortis d'offres de secours en tout genre
parvinrent à Messieurs de Genève. Cet immense
élan de solidarité et la pugnacité des
Genevois, comme celle de leurs alliés, conduira les
Savoyards à la table de négociation. La paix
sera enfin conclue en 1603. Quatre siècles plus tard,
la République de Genève, Ville et Mandements
confondus, se doit de se souvenir sans aucune amertume des
événements de la nuit dite de l'Escalade. L'échec
de Charles-Emmanuel marque en effet la fin d'une époque
difficile, faite de tueries et autres exactions. Il permet
à la Ville et à toute la regio genevensis d'entrer
sans heurts dans le siècle des lumières.
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